Récits de formation massage
19 janvier 2023 / NUIT D’AVANT STAGE DE FORMATION MASSAGE TANTRIQUE
Nuit d’avant stage. Je rêve. Le stage commence, il est écrit, bien sûr. Un stage, c’est un scénario, une aventure partagée, une narration en marche.Mais quelque-chose s’invite qui n’était pas explicitement écrit. Une entité féminine, qui s’insère dans les structures, qui les colonise et qui les encode.
Moi, en tant qu’organisateur, je la regarde un peu fasciné, qui vient apporter de la douceur partout. Une certaine forme d’ancrage dans la connexion, du liant. Non qu’il n’y en avait pas, mais cette trace qu’elle imprime dans ce récit, elle est claire, elle est liquide, elle est belle. Elle place l’échange dans un espace à part. Je me retrouve à sourire devant ce récit soudain mi-masculin mi-féminin. Comme un coin de bois tout doux qui se serait glissé pour arrondir certains angles, adoucir au maximum. Générer partout du lien et de l’ancrage là où il était possible d’en mettre encore plus.
Je me retrouve à sourire parce que cette fée, cette part féminine, cela fait longtemps qu’elle m’accompagne, qu’elle s’invite dans ma vie. Régulièrement. Je sais qu’elle est là. Et la savoir aujourd’hui présente, comme une fée tutélaire, dans cette nuit d’avant-stage, me dit simplement que celui-ci est accompagné. Que l’équilibre s’y installe. Et que chacun et chacune pourra y découvrir, en quiétude, alignement et joie, l’essence même de ce massage qu’il me tient tant à cœur d’enseigner.
La danse du massage peut s’inviter dans ce petit cocon tout doux, chauffé au feu de bois, qui tient de la yourte mongole, du ventre du voilier, du refuge de haute-montagne. Huit participants arrivent cet après-midi, le lieu est prêt, et je suis heureux de savoir certaine fée avec nous pour nous accompagner durant ce stage.
20 janvier 2023 / LE JOUR DU COMMETTAGE
Méditation à la bougie. Pour poser, ancrer. Chacun.e est arrivé.e hier soir, qui de sa neige, qui de son lointain (mais limitrophe) pays, qui de sa fatigue, qui de son questionnement, posé, là, au milieu du groupe. Le lien a tout de suite tissé sa toile, et commencé à faire œuvre entre tous et toutes. La Suisse, la Pologne, l’Inde, l’Allemagne, la France, la Belgique, autant de diversités représentées dans ce tout petit groupe.
Le lien a tissé sa toile, et m’est venue cette image de la corderie Royale de Rochefort, technique de commettage en œuvre pour réaliser ce toron constitué des énergies alignées et entrelacées de chacun. Pour donner sens à ces trois jours.
Méditation à la bougie
Méditation à la bougie, donc, pour poser l’énergie, l’ancrer dans la terre, faire que le tohu bohu du vent extérieur n’ait prise, que cette pièce qui nous abrite soit réellement celle de l’Arche. A réinventer la vie dans ce qu’elle a de plus précieux : le lien. Le massage n’est jamais anodin en soi, il participe de ce lien sacré qui nous relie tous et toutes. Mais que nous activons si rarement. Il est par essence œuvre de construction, de paix, il est brique douce constitutive de notre relation à nous-même et aux autres.
Aujourd’hui, cette énergie d’ancrage connectée dans la méditation, donne le ‘la’ pour le journée, pour aller tout doucement vers soi et vers l’autre. Le geste va s’inventer en chacun, dans la bonne tonalité, celle de l’instant, pour aller de la plus belle façon possible vers cet autre à qui on n’a rien à prouver. Le seul impératif étant d’être, et de voir. Pas n’importe comment : au sens du « je te vois » remis en lumière par Avatar récemment. Je te vois… Et son pendant : Je me vois. Quelles plus belles phrases que celles-ci ?
Je reste admiratif de la vie qui a permis la constitution de ce groupe si cohérent, si homogène, pour ces trois jours. La Terre continue sa rotation mais ici, le temps est suspendu. Le stage commence dans une belle lumière….
20 janvier 2023 / FORMATION MASSAGE TANTRIQUE
FIN DU JOUR 1.
AU DELA DU SOLEIL COUCHANT
Apprentissage de la lenteur. La lenteur est une invitation à, l’esquisse d’un creux qui accueille, une combe dessinée dans un espace où se lover. Speranza. La création d’un espace des possibles où se révèle le subtil, l’indicible, où se développe l’écoute. Ce qui ne se dit pas, ne se révèle pas dans le mouvement, n’apparait pas spontanément à la lumière.
Le masseur est comme ce plongeur qui se laisse couler, inerte, devant le trou où se love le poulpe, pour inviter celui-ci à venir à lui. Il est ce plongeur du Cap qui noue ce lien aussi fort que fragile avec cette pieuvre dans ce documentaire extraordinaire d’Arte : la sagesse de la Pieuvre. A non l’apprivoiser, mais à se faire accepter. A faire partie de son monde, son paysage, et permettre à celle-ci d’amorcer ce mouvement de venir vers lui. Dans le silence bruyant de la mer, il créée cette bulle de calme. Dans l’ondulation lente de ses palmes et le rythme contenu de son détendeur. Et cette ondulation répond au propre mouvement de l’animal qui épouse le courant de l’eau qui l’accueille.
Quatre corps massés devant moi.
Ils sont quatre, massés devant moi. Alanguis, posés, tranquilles, non livrés, mais offerts aux mains de leurs masseuses et masseurs. Le temps est comme eux, déposé, la musique douce, le feu complice dans le poêle. Dehors, la nuit a pris ses quartiers, ici, la lumière est tendre, elle irradie. La lumière des bougies, bien sûr, stabilisées sur leur banc de pierre. Mais une lumière autre aussi, celle du cœur, de la confiance. La lumière claire et chaude de la vulnérabilité quand celle-ci s’expose. Quand celle-ci sort de ses remparts, ses protections, quand elle peut s’inscrire à découvert. Les mains parcourent les dos, les bras, s’arrêtent sur les articulations, le sacrum est lieu de rencontre, des énergies. Les masseurs et masseuses ondulent, leur geste est lent et posé. Leurs appuis fermes, leurs déplacements rares et mesurés. Ils épousent la musique interne qui jaillit de chacun de ces corps imperceptiblement mouvants. Créant leur propre danse du Soleil, de la Lune. Hommage et transe.
Danse immobile, parfois, tout est suspendu à l’instant, rien à prouver que cette nécessité d’écouter ce qui est. Sans chercher à décrypter quoi que ce soit. Le corps parle au corps, le mental dort dans un coin, à ronronner doucement son contentement d’être débranché.
Les corps ondulent comme autant d’ajoncs dans la brise qui irrigue cette fin de journée, l’œil du soleil couchant fermé depuis bien longtemps.
Et c’est beau ….
21 janvier 2023 / FORMATION MASSAGE TANTRIQUE
JOUR 2
L’APPROCHE DU VENTRE
Le massage du ventre est bouleversant.
Pour jouer sur une expression de François Bourgeon, dans le cycle de Cyann, porteuse de beaucoup de tendresse : le massage du ventre est doux et bouleversant.
Parce que ramenant aux origines. Satellisé autour de cette zone de connexion absolue à la Vie qu’a été le lieu d’attache du cordon ombilical. L’univers de ce placenta, si lointain, et pourtant encore si présent, enveloppant, contenant, infiniment protecteur. Comme une galaxie en mouvement qui nous emportait partout, de façon nourricière. Marquant à jamais nos cellules de son empreinte de géante, encodant notre Vie. Depuis cette énergie du fond des âges et des mémoires.
Toucher au ventre, c’est connecter les mémoires profondes, c’est dépasser ce corps devant soi… C’est accéder à la vulnérabilité absolue, celle de cette personne qui vous a autorisé l’accès à elle-même. Ce qui est infiniment précieux. Et à considérer comme tel. Qui, en tant que masseur ou masseuse, vous honore. Et vous responsabilise. Qui vous permet de lire une histoire aussi. La sienne. Livre ouvert, fugacement ouvert, auquel il vous faut accéder. Toujours en tant que masseur ou masseuse, avec la conscience d’approcher le saint des saints, un temple un peu caché, parce que protégé. Angkor avant que tout le monde ne fasse main basse dessus. Ou le Machu Picchu, perché sur ses hauteurs. Ou encore le Mû d’Hugo Pratt, et ses signes lisibles des seuls initiés. Ce qui demande de fait une humilité absolue et une grande ouverture de cœur.
On n’approche pas un dieu ou une déesse sublimée de par un process mental, on approche le corps d’une personne parfois fragilisée par la vie, parfois dissociée, calme aussi, ou joyeuse, ou tout autre, simplement telle qu’elle est à cet instant. Et il faut connecter cet instant.
Protection / exposition
Quand on se met en protection, on expose son dos. Un hérisson, fragile par excellence, porte ses piquants sur son dos. Le dauphin se retourne sur le ventre en témoignage de confiance pour aller au contact de l’homme. Le chiot se met sur le dos pour exposer sa vulnérabilité au chien plus fort que lui.
Exposer son ventre, c’est exposer sa vulnérabilité, oser se confronter à sa fragilité. L’accepter et ne plus la fuir. Reconnaitre également cette vulnérabilité comme la porte la plus lumineuse vers un ailleurs….
Une porte dans votre forteresse vers quelque chose d’infiniment tendre et doux en vous, rarement connecté, rarement touché. Rarement mis en lumière.
Le massage du ventre est une porte d’accès et le temps y est infini, la main sonde d’observation. Le corps antenne intégrale d’écoute de ce qui n’est pas dit. Exprimé. Montré. Le ventre est infiniment tendre et délicat dans son expression.
Et son massage est doux et bouleversant….
22 janvier 2023 / FORMATION MASSAGE TANTRIQUE
FIN DU JOUR 2
LE CADRE DU MASSAGE
S’autoriser. Dire. Exprimer. Montrer. Demander. Vivre son énergie, son désir, hors champ du jugement, de la contention de soi, de la projection de/vers l’autre. Ne pas projeter, ne pas imaginer, ne pas anticiper. Vivre l’instant présent. Dans la justesse.
Exercice.
Consigne est donnée pour la personne au sol d’exprimer par son corps une demande. Et d’interlacer sa demande avec le positionnement du/de la masseur/masseuse. Demande d’être touchée, de mouvement, de contact. A cet endroit, ou cet autre. Consigne lui est donnée d’exprimer son désir. Pas dans la transgression, simplement où son corps appelle.
Mais ce désir n’est pas évident à dire. Il appelle sa capacité à exprimer ce qui est bon pour lui/elle. Et cette demande, qu’il/elle identifie peut-être, n’est peut-être pas juste pour la personne à qui elle s’adresse. Ce n’est pas seulement un contexte de massage qui est exploré, se pose toute la question de l’autorisation à exprimer d’un côté. Et d’accompagner de l’autre. Où se situe mon désir, mais où commence l’acceptation de l’autre à l’exaucer ? Où se situe la limite ? Pour l’un.e et l’autre? Ou se situe le curseur juste, sur cette plage d’expression et d’écoute. Vais-je arriver à lâcher d’un côté, mais en face, vais-je le froisser si je lui dis non ? Ou me déjuger si je dis oui ? Vais-je me forcer à répondre, en laissant mon libre choix de côté, ou vais-je respecter ma limite?
Le massage est un voyage à deux.
On est dans un cadre respectueux, un cadre bienveillant de non jugement, mais souvent, je ne suis pas habitué à me respecter. Parce que le respect de soi est un apprentissage. Parce que le placement du curseur sur la grille n’est pas un exercice facile.
Apprentissage, donc, pour la personne qui masse : où est mon cadre ?
C’est tout le jeu entre masseur/masseuse et massé.e qui se joue là. Comment se glisser dans l’exacte tonalité du moment ? Invitation d’un côté à connecter sa liberté à se lâcher, doucement, et de l’autre, explorer son espace d’accompagnement. Dans l’écoute, mais en respectant son propre cadre.
C’est tout le jeu du consentement et de l’autorisation à être qui se joue ici. Toute la justesse du massage se joue ici.
C’est là et seulement là, bordé par ce cadre embarqué avec soi, en soi, que le voyage du massage peut commencer. Et qu’il peut partir dans le corps et l’onirique.
22 janvier 2023 / FORMATION MASSAGE TANTRIQUE
JOUR 3
L’EMBARQUEMENT VERS SOI
Quatre personnes se font masser.
Quatre personnes déposées sur un futon, point de convergence des corps au centre. Peut-être convergence des consciences dans l’instant. Moment de partage unique, en tout cas, quatre corps déposés, portes de la vulnérabilité grandes ouvertes. Le dialogue entre esprit et corps, entre ce qui est protégé et ce qui s’expose, entre la distance et la tendresse de soi, peut s’ébaucher. Non à grandes tirades pour le masseur/la masseuse. Iel n’est ni sur une scène ni en représentation devant cette personne qu’il ou elle masse. Iel ne lui doit rien, elle ne lui doit rien. Immersion dans la seule conscience de l’instant, de l’énergie qui invite.
Quatre personnes qui partent en voyage de dimension transatlantique. Amarres larguées, la cote s’éloigne peu à peu. La personne qui masse n’est ni le vent, ni les étoiles, ni la boussole, ni même le jeu des vagues contraires ou complices. Il n’est qu’accompagnant dans ce voyage. Et ces voyageurs d’eux-mêmes, dans ce grand voyage qui débute, confient leur corps, leur âme, leur destin de l’instant, à ce seul océan calme, tellement nourricier et complice. Tellement conscient de qui ils ou elles sont. Tellement vaste et contenant qu’il les ramène encore et toujours en eux-mêmes. Comme une grande spirale qui cueille, enroule, et dépose. Toujours au même endroit.
Voyage
Voyage à s’écouter, s’entendre, se donner de l’espace. A toucher ce point en soi-même autour duquel tout gravite, tout s’équilibre. Là où on ne joue plus, ne compose plus. Quand il n’y a ni désir, ni frustration, ni projection, ni attente. Là où on n’est plus rien qu’inscription dans plus grand que soi, dans ce simple point de jonction du coeur et de la conscience.
La main du masseur/de la masseuse, est en dialogue avec eux-mêmes de par un effet de résonance. On est en plein éveil des mémoires, en pleine déconstruction de ce que la vie a fait de nous. Là encore, ce geste d’Avatar, si inspiré, de la connexion des cheveux avec les arbres, les algues, pour un dialogue de cellule à cellule. Un éveil des histoires, la conscience de la Vie qui s’expose avec, peut-être au bout, un apaisement. Parce qu’alignement.
Quatre personnes se font masser. Leur voyage est en apparence commun, mais chacune a son cap, son rythme, sa langue de narration. Chacune est seule dans son esquif, si fragile sur cet océan qui les berce. Mais en même temps si solide parce que produit de la rencontre de leur vulnérabilité et de cette matière si tangible et si belle de la confiance placée.
Si bien avec elle-même parce que confiance en la Vie.